ELEVAGE ET SELECTION

Par Bernard LE COURTOIS

La sélection peut se définir ainsi : c’est un programme d’élevage sélectif où l’on ne garde que les individus qui satisferont à des critères phénotypiques qualitatifs souhaités et déterminés au préalable. Il est donc évident que tout éleveur doit connaître parfaitement le standard de la race qu’il élève.

L’éleveur doit appliquer le standard dans un  état d’esprit objectif et sans chercher à l’interpréter à sa manière pour transformer la race vers ce qu’il croit que la race devrait être. L’éleveur doit aussi connaître les défauts morphologiques ou comportementaux et tares récurrents dans la race afin d’éviter de les perpétuer.

Certaines caractéristiques, considérées comme des défauts mineurs et non invalidantes, peuvent se corriger dans le choix des croisements. La sélection implique évidemment aussi le respect de la charte d’élevage du Club de race et les contraintes des tests sanitaires qui permettent de minimiser l’impact des tares héréditaires.

CHOIX DES REPRODUCTEURS

S’il est vrai que la sélection par les mâles est très importante, la sélection par les femelles l’est tout autant, sinon plus. Il faut qu’elles aient une généalogie de qualité avec d’excellents sujets dans, au moins les quatre premières générations de leur pedigree et une bonne conformité au standard. On doit aussi constater que les chiots les plus spectaculaires ne deviennent pas forcément les chiens matures les plus beaux. Donc, certains chiens remarquables se retrouvent entre les mains de particuliers amateurs. Certains seront bien valorisés, d’autres pas. C’est là que le rôle de l’éleveur intervient pour savoir mettre ces bons chiens en valeur en collaboration avec leurs propriétaires.

PEDIGREE ET SOUCHE MATERNELLE

La notion de pedigree et de « souche maternelle » sont deux choses différentes.

Le pedigree regroupe la généalogie du père et de la mère sur plusieurs générations. Le pedigree LOF en publiait trois. Le pedigree 5 générations, qui vient d’être mis en place et mentionne les performances santé, caractère, utilisation et expositions, va être une aide considérable à l’élevage.

La souche maternelle, c’est la production des femelles de cette lignée, générations après générations. Cette notion de souche maternelle, si importante chez les éleveurs d’autres espèces (chevaux, par exemple), doit l’être aussi chez les éleveurs de chiens.

La sélection consiste, générations après générations, à améliorer la production. Si l’on a démarré l’élevage avec une femelle d’une lignée non sélectionnée et que cette femelle présente des qualités morphologiques indispensable de base, sans pour autant toutes les réunir, on peut obtenir une amélioration en fonction de l’étalon choisi. Mais cela peut prendre du temps et plusieurs générations avant d’obtenir le résultat escompté.

La réussite sera déterminée par le choix successif de bons étalons améliorateurs, générations après générations.

Le futur éleveur doit donc prendre du recul par rapport aux défauts et qualités de sa chienne en ayant conscience que « l’amour rend aveugle » !

Tous les défauts ne sont pas rédhibitoires et certains peuvent se corriger plus aisément que d’autres. Il faudra dans un croisement, donner des priorités aux améliorations à apporter. On ne peut corriger tous les défauts en une génération.

Si c’est vrai que le type de tête est important dans la spécificité d’une race, il ne faut pas non plus tomber dans les extrêmes et réduire un chien à sa tête. Car un  chien bien construit est à même de répondre aux exigences du travail pour lequel il a été sélectionné. C’est là que les expositions canines ont leur importance et jouent un rôle fondamental dans la sélection de la race. Sans cela, où les éleveurs et particuliers pourraient-ils avoir un avis plus objectif des caractéristiques morphologiques de leurs chiens ?

MARIAGE ET SELECTION

Le mieux, quand on débute un élevage, seraient de s’orienter vers les services d’un étalon dont on connaît déjà la bonne production. On prend ainsi moins de risque car l’on sait comment il produit et surtout le type de chiennes qui lui convient.

Le chien au très bon phénotype, conforme au standard mais issu d’une mauvaise fratrie ou parenté avec des graves défauts morphologiques est un  reproducteur dangereux. Pour l’élevage, c’est un « faux bon » sujet dans une lignée qui en produit surtout des mauvais.

C’est tout l’intérêt de bien connaître les bonnes lignées maternelles du père et de la mère du reproducteur que l’on convoite. Il faut avoir connu les chiens figurant dans les pedigrees, avec leurs qualités mais aussi leurs défauts.

D’où l’intérêt d’écrire le pedigree de la portée à concevoir sur au moins 4 à 6 générations, quand on recherche un étalon, afin de constater de visu les points forts et faibles du pedigree ainsi que le degré éventuel de consanguinité. Ceci n’a d’intérêt que si l’on connaît non seulement les noms des chiens y figurant, mais les chiens eux-mêmes, surtout si ces chiens se retrouvent plusieurs fois dans un pedigree. Cela demande donc à l’éleveur une longue expérience et certaines compétences.

DIVERSITE GENETIQUE

Dans un pays donné, donc un cheptel précis, parfois on peut constater qu’une lignée maternelle ou des reproducteurs à la mode sont devenus omniprésents dans les pedigrees. Dans un but de diversité génétique, il faut être vigilant à diversifier les lignées.

Si l’on remonte les lignées basses paternelles et maternelles jusqu’à 6 à 8 générations, on se rend compte que les lignées sont les mêmes. Pour remédier à cela, l’autre méthode d’élevage est ce qu’on appelle le croisement « out-cross », c’est-à-dire avec des reproducteurs qui n’ont pas d’ancêtres communs ou proche dans un pedigree à 6 ou 8 générations. C’est aussi une méthode d’amélioration. Pour cela, il faut étudier les pedigrees sur de nombreuses générations.

Si l’on voulait obtenir un bénéfice génétique grâce à ce que l’on appelle l’effet « hétérosis », il faudrait croiser avec des sujets de type similaire mais probablement d’autres races.

C’est la raison pour laquelle de nombreux éleveurs professionnels importent ou utilisent régulièrement des étalons étrangers pour introduire de nouveaux gènes dans leurs lignées. L’inconvénient de cette méthode de sélection, c’est que l’on apporte, certes de nouveaux gènes, mais aussi parfois accompagnés de nouvelles tares ou défauts. Il faut bien évidemment obtenir un maximum d’informations sur la santé, la morphologie et le caractère de la fratrie et au moins des parents et grands-parents, si l’on ne veut pas prendre de risques inconsidérés.

Même si un étalon a eu une influence importante pendant quelques années, cela est gérable d’autant qu’un nouvel étalon (champion ou pas) chasse l’autre assez vite. S’il peut y avoir un effet « mode », il n’est que de très courte durée. Le principe de la mode étant qu’elle se démode.

LE PHENOTYPE VALIDE EN EXPOSITION

Dans toutes les races, les meilleurs éleveurs vous confirmeront qu’il vaut mieux utiliser, pour la reproduction, une femelle de bonne qualité, issue d’une famille qui a donné à chaque génération des sujets remarquables qui ont remporté des victoires dans les grandes expositions, grands championnats et de certains titres de champions qui officialisent la valeur phénotype des sujets. Il y a « Champion » et « champion ». Un chien qui devient champion de certains pays en gagnant 2 voire 4 CAC dans les expositions où il est pour ainsi dire seul, cela ne fait pas de lui forcément un excellent sujet. En revanche, un chien qui gagne partout dans les grandes expositions où la concurrence est importante, sous des juges différents dont des spécialistes, présente forcément des qualités notoires. Pour la reproduction, si l’on doit ne retenir qu’un seul titre, c’est bien celui de Champion de France, véritable « marathon » où les qualités morphologiques sont associées à celle de la santé et du tempérament.

Les expositions ont le mérite de mettre les chiens dans une situation d’examen dans un cadre assez « stressant », (bruit, population canine et humaine importante, promiscuité, etc.) qui met à l’épreuve leur morphologie et leur caractère. Un chien correct, sans défauts graves, avec un tempérament remarquable et enjoué est, sans doute, plus intéressant pour la reproduction qu’un beau chien avec un caractère peu équilibré. En effet, 90% des chiots produits sont destinés à des particuliers qui veulent un « chien de famille ».

La priorité dans la sélection doit aller vers la production de chiens sains de corps et d’esprit, dans une belle « enveloppe » la plus proche possible du standard et sans excès de sur-type. Il n’est guère possible pour un éleveur de faire une sélection sans être présent aux principales expositions où l’on croise une bonne partie du cheptel. Comment avoir une vision précise et objective des sujets intéressants et des bonnes lignées ? Comment se prévaloir de connaître bien la race sans constater de visu l’évolution du cheptel par rapport au standard ? Comment évaluer objectivement la qualité de son propre cheptel ?

La sélection n’est donc pas un vain mot. Cela doit être, tout simplement, le leitmotiv de notre responsabilité d’éleveur. C’est le fondement de la pérennité de nos races, surtout celles à petits effectifs. Si vous les aimez, alors faites en sorte que les chiots que vous produisez soient le plus possible conformes au standard et le plus sain possible afin qu’ils soient en bonne santé plus longtemps et satisfassent leur maitre. Le bonheur des uns fera le bonheur des autres.

Courtoisie La revue de la cynophilie Française – S.C.C. Magazine N° 184